TOM ATTEND | |
à la mémoire de Louis Geoffroy, poète (1947-1977) |
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usé jusqu’à la corde qui sert de lacets à ses godasses brun merde buvant par les trous dans une flaque de 40% un homme vieilli trop vite ridé comme un accordéon le teint cendré en smoking gris s’allume avec un mégot de lucky-strike de pute partie pour le shift de nuit il lance un dard rouge au coeur du samedi soir avec une peur bleue de devenir flou Tom attend rien de moins tant de rien un noeud coulant de cravate black-jack pour se pendre au jeu du mauvais bourbon répandu sur les touches fêlées du piano bas-de-gamme en sursaut une chiquenaude et roulent les dés du destin il tremble en songeant aux dents arrachées de Chet Baker pour une dette de dope il lampe au goulot sous l’abat-jour frosté glaçant sur le miroir les yeux dans le cirage il cogne des clous au rythme de la batterie en low-fi stéréo pour tromper la monotonie baffé sur sa gueule de bois le délire de l’homme improvise Eric Dolphy au doigté de dexédrine Charles Mingus faisant gronder sa contrebasse underdog la radio bop night and day dans la tête de Neal Cassiday il dégrise au chorus attaqué en solo le souffle court la hanche humide comme un boxeur sauvé par la cloche Tom attend elle ne reviendra sans doute pas avant plusieurs jours peut-être même que personne ne viendra plus jamais pour tuer le temps un 7 à 5 au bar en plywood dans son sous-sol sur la colline les remords du temps mort sonnent le rendez-vous du gangster à déposer les armes Tom attend Tom Waits |